La préface

Il y a de ces rencontres dont on n'aurait pas pu se passer. Si ma route n'avait pas croisé celle d'Hugues Robaye, je n'aurai sans doute pas encore un seul de mes livres entre les mains, et ma vie en serait toute différente. Lorsque deux amies d'horizons différents m'avaient soufflé son nom à l'oreille, j'avais senti poindre le signe gros comme un baobab. En effet, je nourris une certaine connivence avec le Grand Tout, et cela rend la vie assez incroyable. Hugues est donc devenu mon premier éditeur, dans son passionnant Mayak, et également un ami, à force de prendre la littérature et les projets alternatifs comme excellente excuse pour boire des bières sur les terrasses bruxelloises... Il m'a fait le grand honneur de m'accompagner dans ce chemin de l'écriture, jusqu'à la grande porte d'entrée : celle de la préface de mon premier bouquin en solo.

"Je ne sais plus très bien quand j’ai rencontré Élodie Mopty. Un peu avant son séjour au Sénégal, je pense. Je pourrais lui demander. Mais je préfère rester dans cette juste indétermination. D’ailleurs j’ai aussi oublié les dates de ce séjour qu’elle décrit dans les pages qui suivent. Ce n’est pas grave. Il me semble simplement que ce voyage est très loin dans le passé. Mais pas dépassé, très actuel voire même intempestif comme écrivait Nietzsche, tant il remet en question celui qui le lit.

 

Je me souviens des mails d’Élodie. Elle envoyait ses impressions de séjour à ses amis. C’était long, interrogateur, intime et universel. Moi qui anime une revue-livre, MaYaK, célébrant la recherche action, j’étais admiratif… Je me disais : de ces messages amicaux, j’aimerais que la « littérature » fût constituée plus souvent… Des textes qui s’adresseraient aux amis lecteurs. À son retour, Élodie en a fait un recueil qu’elle m’a confié. Je lui ai proposé d’en publier un extrait dans le MaYaK5 (ce qui fut fait). Plus tard, elle a étudié un logiciel de mise en page, le gratuit Linux. Et elle a fait son livre dans un format carré, accompagné des photos qu’elle avait prises là-bas. Cet ouvrage est historique ; il n’en existe qu’un exemplaire au monde. Une amie graphiste pro était soufflée par la qualité de la mise en page… C’est Élodie Mopty.

 

Au fond, je commence à comprendre : si la notion du temps s’évanouit quand je pense à l’écriture-vie d’Élodie, c’est parce qu’à nos rencontres périodiques, elle me parle de ses voyages et de ses expériences avec une telle densité que le présent se creuse très fort ou s’étire. Élodie est une jeune matriarche. Qui aurait 31 ans ? Mais elle doit bien tirer sur ses 567 ans, à l’heure actuelle ! Dans mon entourage, je ne connais personne qui donne à sa vie de nouvelles directions, aussi librement… Qui choisit de disposer de son temps, sans filet, sans nos assurances de toutes sortes. Personnellement, je ne lui reprocherai pas de ne pas cotiser pour sa pension !

 

Dès lors, avoir accès par des écrits à une telle vie qui s’autodétermine dans le moment avec autant de sagacité est très précieux pour chacun.

 

Au Sénégal, Élodie enseignait le français et l’espagnol dans une école pour footballeurs de haut niveau (qui deviennent dans leur carrière, souvent internationale, des ambassadeurs culturels). Elle vivait dans une famille, partageait son quotidien, communiquait en wolof et à ses heures de loisir, parcourait le pays en tous sens. Elle li(sai)t beaucoup, aussi. Et le récit est parcouru de citations de grands écrivains penseurs africains qui dialoguent avec ses interrogations à elle. Il faut peut-être préciser qu’Élodie a étudié entre autre la médiation culturelle et que le texte qui suit reflète une recherche de ce genre.

 

Depuis 2009 (j’ai vérifié : ce voyage au Sénégal, en fait, c’était hier…), Élodie est repartie plusieurs fois ménageant des pauses dans son activité d’hypnothérapeute. Je crois que ses amis lecteurs de mails ont été touchés surtout par son expérience de la Thaïlande et de la méditation bouddhiste… Un livre à venir…"